Depuis de nombreuses années, les étirements représentent une pratique popularisée, que ce soit dans le monde sportif ou en dehors (Babault & al, 2021 ; Spense, Helms & McGuigan, 2022). Les bienfaits avancés sont nombreux : gain de souplesse, diminution du risque de blessure, amélioration des performances ou encore facilitation du processus de récupération. Et pourtant, lorsqu’on s’intéresse aux études scientifiques, les données actuelles donnent plutôt une image différente. Qu’en est-il vraiment ?
Point de départ
Avant de commencer, il est nécessaire de bien saisir la différence entre souplesse et mobilité :
– Souplesse : capacité d’un muscle ou d’un groupe de muscles à s’étirer passivement à travers une amplitude de mouvement, c’est-à-dire l’amplitude de mouvement passive d’un muscle ou d’un groupe de muscle (et des tissus conjonctifs associés).
– Mobilité : capacité d’une articulation à bouger de manière active à travers une amplitude de mouvement, c’est-à-dire l’amplitude de mouvement active d’une articulation. La souplesse est une composante de la mobilité, sur laquelle viennent s’ajouter la force et le contrôle moteur.
Disposer d’une certaine amplitude de mouvement de manière passive (obtenue via une aide extérieure) n’est pas une garantie de disposer de cette même amplitude dans des conditions plus dynamiques.
Ensuite, on doit différencier 2 types de raideur :
– La raideur physiologique, qui correspond à la raideur des tissus (musculaires, tendineux, ligamentaires…),
– La raideur fonctionnelle, qui désigne la capacité du système nerveux à activer les muscles pour résister à une déformation/à un étirement dynamique – pensez à l’atterrissage après un saut par exemple. Cette raideur est essentielle pour performer et limiter les risques de blessure.
Une fois ces distinctions établies, on peut passer à la suite.
À travers cet article, je vais vous proposer plusieurs expériences pour vous montrer comment certains facteurs influencent la souplesse et la mobilité. Pour ne pas fausser ces expériences, les tests de mobilité doivent être réalisés sans porter de bijoux ni d’écouteurs. |
De quelle quantité de souplesse a-t-on besoin ?
Premièrement, mieux vaut privilégier la mobilité à la souplesse. Ensuite, la « quantité » de mobilité nécessaire est propre à chacun : il faut en avoir assez pour pouvoir réaliser n’importe quelle activité de la vie quotidienne sans être gêné, et suffisamment pour être efficace dans l’activité sportive que l’on pratique, tout en étant capable d’atteindre les positions nécessaires sans ressentir d’inconfort. On peut même argumenter que viser un peu plus de mobilité que cela peut revêtir un intérêt, afin d’avoir une « zone de sécurité ».
D’un point de vue athlétique, une grande mobilité dans les mouvements traditionnels de musculation n’est pas indispensable pour faire preuve de résilience – en témoigne la façon qu’a LeBron James, un des plus grands sportifs de l’histoire, à réaliser un squat. L’important pour un athlète se trouve plutôt dans la capacité de mouvement sur le terrain, avec entre autres la capacité de rotation des hanches dans des positions sportives spécifiques.
Sur la même lignée, selon l’entraîneur américain Paul J. Fabritz dans un récent post sur les réseaux sociaux, un manque de souplesse n’empêche pas de « jouer bas » au basket-ball ; au contraire, selon lui, plusieurs joueurs NBA avec qui il a travaillé arrivent à être efficace lorsqu’ils jouent « bas » malgré une souplesse limitée. Cela rejoint aussi les propos récents de l’athlète DeMar DeRozan, qui indique posséder une amplitude de cheville très faible (en-deçà de certains standards scientifiques) – ce qui ne l’empêche pas d’être performant et de rater peu de matchs, malgré un rythme très soutenu en NBA.
Qu’est-ce qu’il se passe quand on s’étire ?
La raideur fonctionnelle est importante, car elle permet de résister à la déformation : les muscles créent de la raideur pour permettre à d’autres éléments – principalement les tendons – d’être étirés et de stocker de l’énergie élastique. Sans cela, les performances sont amoindries et le risque de blessure augmente.
Quand on réalise un étirement statique, c’est-à-dire lorsqu’on maintient simplement une position d’étirement pendant une certaine durée, la volonté traditionnelle est d’ « allonger un muscle » afin de « diminuer sa raideur » (physiologique ici).
Cependant, lorsqu’on étire un muscle de cette façon, on met en jeu le réflexe myotatique, qui va en retour contracter ce muscle. Son effet est protecteur car en situation dynamique, quand un muscle est étiré rapidement (pensez aux muscles quadriceps pendant la phase d’abaissement lors d’un saut par exemple), ce réflexe augmente la tension musculaire et la production de force pour résister à la déformation (c’est-à-dire l’étirement) et ainsi éviter que le muscle ne se « déchire ».
Si on fait trop d’étirements statiques, on peut potentiellement modifier la relation tension-longueur des muscles, c’est-à-dire qu’on peut changer la « longueur » musculaire à laquelle le corps est capable de produire une force maximale.
Cette relation a besoin d’être spécifique aux efforts sportifs (course, changements de direction, sauts…) pour maximiser les performances mais aussi pour minimiser le risque de blessure, car c’est dans cette même amplitude de mouvement – relativement faible pour la plupart des efforts explosifs – que ce risque est particulièrement présent.
Avec un trop grand volume d’étirement statique, on augmente la longueur musculaire à laquelle on est capable de produire une force maximale, le réflexe myotatique prend plus de temps à s’engager et les tendons se retrouvent plus étirés qu’à l’accoutumée, ce qui peut être dangereux. En outre, plus on va loin dans une amplitude de mouvement, plus il est difficile physiologiquement de créer de la force.
La science nous apprend aussi autre chose : lorsque le réflexe myotatique est enclenché et qu’il entraîne la contraction d’un muscle étiré, cela produit un relâchement simultané du muscle antagoniste – c’est-à-dire le muscle opposé (par exemple, les ischio-jambiers sont antagonistes aux quadriceps) – selon la loi d’innervation réciproque.
Malgré tout, les étirements statiques peuvent en effet augmenter l’amplitude de mouvement et relâcher un peu les tensions. Cependant, les effets ne sont que temporaires car la mobilité n’est pas augmentée, seule la souplesse l’est ; et les causes originelles de la raideur ne sont pas traitées. De plus, les gains ne résultent pas d’une augmentation de la longueur du muscle, mais proviennent plutôt d’une sensation modifiée (Weppler & Magnusson, 2010). Dans le même temps, lorsqu’on maintient la position, on place de la tension sur tous les tissus conjonctifs (tendons, fascias, ligaments, nerfs…), ce qui n’est pas forcément souhaitable.
Les étirements pour se préparer à l’effort et réduire le risque de blessure ?
Si on parle d’étirements statiques, la réponse est sans équivoque : non. Au contraire, ils peuvent même réduire les capacités physiques et augmenter le risque de blessure à court terme, via une diminution de l’activation musculaire (Kazemi & al, 2021 ; Blazevich & al, 2018 ; Montalvo & Dorgo, 2019).
Donc si jamais vous ressentez un besoin absolu de faire des étirements statiques avant de réaliser un effort, vous devez les faire suivre d’étirements dynamiques* ou de mouvements mettant en jeu les muscles et articulations qui vont être sollicités lors de l’effort en question.
Un étirement dynamique implique un mouvement actif contrôlé où les muscles et les articulations se déplacent rapidement à travers une amplitude de mouvement complète. Par exemple : Leg Swings & Arm Swings
Sinon, vous pouvez directement commencer votre échauffement par des activités dynamiques : exercices de mobilité, de renforcement musculaire, ou encore les mêmes type de mouvement que ceux de l’activité sportive que vous allez entreprendre ensuite, en augmentant progressivement l’intensité des efforts. Peu importe la modalité choisie, l’objectif est que vous vous sentiez bien et que vous soyez prêt à démarrer votre séance du mieux possible.
L’HYPERMOBILITÉ Bien qu’une raideur physiologique trop prononcée puisse constituer un facteur de risque de blessure, il en est de même pour l’opposé. En effet, dans le cas d’hypermobilité, la force n’est pas stabilisée à travers toute l’amplitude de mouvement ; le risque d’endommagement des tissus conjonctifs (ligaments, tendons et cartilages) augmente, car ils peuvent se retrouver soumis à un stress plus important. Si vous êtes hypermobile, les étirements sont à éviter. L’approche adéquate serait plutôt de vous entraîner avec des charges relativement lourdes (afin d’augmenter la raideur de vos tendons) sans aller en amplitude de mouvement complète, et de réaliser des efforts exigeant une production de force dans des positions de faible amplitude de mouvement (sprint, changements de direction, plyométrie…) |
Comment gagner en mobilité ?
La littérature scientifique (Moscao Vilaça-Alves & Afonso, 2020) nous indique que les méthodes actives sont préférables aux méthodes passives, le renforcement musculaire constituant l’outil phare. Lors de la réalisation de mouvements contrôlés ou lors de maintiens de positions avec une tension musculaire en amplitude complète de mouvement, on étire le muscle tout en produisant de la force de manière volontaire.
Exemples de positions combinant mobilité & renforcement
La création de contrôle et de force dans de grandes amplitudes de mouvement permet en outre de diminuer le risque de blessure, les muscles devenant plus résistants dans des positions moins avantageuses. Toutefois, dans une volonté de conserver une relation tension-longueur optimale, il est indispensable d’équilibrer ce type de travail avec des efforts dynamiques sollicitant des amplitudes de mouvement plus faibles.
L’objectif n’est pas d’obtenir le plus de mobilité possible, mais d’en posséder « assez » ; il faut trouver le bon équilibre entre la raideur – autant physiologique que fonctionnelle – et la mobilité. Si on ne ressent pas de raideur au quotidien ou dans la pratique sportive, réaliser quelques exercices par semaine en amplitude de mouvement complète peut suffire à rester en bonne santé. L’élément de mobilité peut même être travaillé via certaines actions sportives, en allant de plus en plus loin dans l’amplitude de mouvement (dans un travail de dribble au basket-ball par exemple).
L’institut FRC propose aussi des outils intéressants pour travailler la mobilité à travers un entraînement de la force sur des mouvements articulaires isolés, notamment via les Rotations Articulaires Contrôlées (mouvements de rotation actifs, lents et contrôlés). Par exemple : Hip CAR & Shoulder CAR
En cas de raideur (physiologique), il est également possible de réaliser des étirements en modalité PNF (Proprioceptive Neuromuscular Facilitation ou Facilitation Neuromusculaire Proprioceptive), où l’on utilise la loi d’innervation réciproque en alternant des phases de contractions et des phases de relâchement dans une position « allongée » du muscle ciblé pour pouvoir augmenter la souplesse. Une autre option consiste à ajouter une contraction du muscle antagoniste dans le processus.
Mais pour maintenir les gains et transformer cette souplesse en mobilité, il est tout de même nécessaire de faire suivre ce genre d’activité par des exercices dynamiques mettant en jeu l’amplitude de mouvement gagnée. Sinon, comme pour les étirements statiques, les performances peuvent être diminuées et le risque de blessure plus élevé.
Une autre solution simple contre les raideurs – et reprenant la loi d’innervation réciproque – consiste à contracter le muscle opposé à celui ressenti comme raide dans une position de faible longueur musculaire. Par exemple, en cas de raideur dans les mollets, il est possible d’obtenir un effet de relâchement en relevant au maximum l’avant des pieds et les orteils, tout en gardant les talons au sol (à partir d’une position debout ou assise).
Les étirements pour améliorer la récupération ?
Eh bien… oui et non. De nombreuses études (Pooley & al, 2017 ; Pooley & al, 2020 ; Callega-Gonzalez & al, 2021 ; Afonso & al, 2021) ne montrent aucun effet bénéfique des étirements sur les courbatures – qu’ils soient réalisés avant ou après un effort –, au contraire d’autres méthodes comme la récupération active, l’immersion dans l’eau (froide ou non) ou encore le massage. Les étirements peuvent même augmenter les courbatures, si l’intensité et/ou le volume ne sont pas contrôlés.
Mais certaines personnes ressentent quand même des bénéfices lorsqu’ils en font après un effort, soit via un effet placebo, soit simplement via une diminution de l’activité du système nerveux sympathique (partie du système nerveux lié au stress de façon générale).
On peut aussi changer la dominance du système nerveux du côté sympathique (= stress) vers le côté parasympathique (= relaxation & digestion) avec un autre outil : la respiration. Adopter une certaine routine de respiration après un effort permet d’accélérer le processus de récupération et d’améliorer l’apprentissage (Buch & al, 2021 ; Bonstrup & al, 2019).
Dans l’idéal, il faut :
- Se poser en silence avec les yeux fermés,
- Respirer uniquement par le nez – on utilise mieux le diaphragme, l’air est filtré et humidifié avant d’entrer dans le système, on a un meilleur transport d’oxygène (via la production d’oxyde nitrique et l’effet Bohr),
- Faire en sorte que l’expiration dure au moins 4-5 secondes, et qu’elle soit de même durée ou plus longue que l’inspiration,
- Chercher à relâcher complètement son corps,
- Gonfler le ventre et la cage thoracique de manière égale, en visant une expansion à 360° des deux (ce qui peut aider à gagner en mobilité selon les travaux de Postural Restoration Institute).
Exemples : Respiration Calme & Respiration Carré
Apprendre à respirer par le nez pendant le reste de la journée peut aussi aider à mieux gérer le stress, diminuer la tension dans les muscles, améliorer la circulation sanguine (via une vasodilatation des tissus, liée à une plus grande activité parasympathique) ainsi que les capacités de concentration (aboutissant de ce fait à une meilleure faculté de prise de décision et un meilleur apprentissage).
EXPÉRIENCE N°1 Je vous propose une première expérience, pour voir comment la respiration peut impacter le tonus musculaire et la raideur. Vous pouvez réaliser cette expérience avec n’importe quel test de mobilité, mais je vais vous en donner un simple : à partir d’une position debout, essayer de toucher le sol avec vos doigts tout en gardant les jambes les plus tendues possibles. Si vous ne pouvez pas toucher le sol, essayez de vous en rapprocher le plus possible (sans forcer). Si vous pouvez toucher le sol, essayez de le toucher avec la plus grande surface possible de vos doigts et de vos mains (sans forcer non plus). Dans un 1er temps, testez votre mobilité en conditions normales. Ensuite, relevez-vous, prenez 3-4 respirations contrôlées en utilisant seulement la bouche, et refaites le test. Puis relevez-vous de nouveau, prenez 3-4 respirations contrôlées en utilisant seulement le nez, et refaites le test. |
LE ROULEAU D’AUTOMASSAGE À l’instar des étirements, l’utilisation de rouleau d’automassage est également devenue pratique courante dans l’univers sportif depuis quelques années. De même que ces premiers, ils permettent un gain de souplesse temporaire – sans effets négatifs sur la performance et le risque de blessure cette fois-ci –, gain qu’il faut de nouveau accompagner d’activités dynamiques pour que la souplesse se transforme en mobilité. Par contre, les rouleaux d’automassage peuvent permettre de mieux isoler une zone de ‘’tension’’ que les étirements statiques. Il faut toutefois faire preuve de vigilance lorsqu’on utilise ce type d’outil : la sensation de réduction de tension est due à une compression des différents tissus (musculaires, conjonctifs et nerveux). Cette sensation dure pendant quelques minutes, mais n’attaque pas forcément les causes originelles de la tension (qui peuvent être complexes). De plus, la compression engendrée peut parfois ne pas être appréciée par le cerveau, ce qui va amplifier les tensions présentes. Au final, le constat est semblable à celui pour les étirements : on peut faire du rouleau d’automassage si on sent que ça fait du bien, mais il faut en limiter le volume et être conscient des limites de son utilisation. |
L’aspect anatomique de la mobilité
Plusieurs facteurs influent sur le potentiel de mobilité :
– La génétique – entre autres les gènes ACTN3 et COL5A1 ou bien la capacité de résistance à l’étirement,
– Le genre – les femmes sont en général plus souples que les hommes en raison de tendons et ligaments moins ‘’résistants’’ (phénomène lié aux niveaux d’œstrogènes), d’où le risque augmenté de blessure ligamentaire pour les femmes (mieux vaut des ligaments raides pour limiter le risque de blessure)*,
– La structure anatomique, c’est-à-dire la façon dont les os et les articulations sont organisées (ou l’ensemble des choses ce que l’on ne peut pas changer),
– La position de certains éléments, comme le bassin ou la cage thoracique.
*Ce point met en lumière l’idée qu’il faudrait peut-être faire encore plus attention à la pratique d’étirements avec les populations féminines
Si la souplesse est limitée par la structure anatomique (organisation des os, longueur de tendon…), alors forcer avec des étirements statiques dans le but d’aller plus loin dans une amplitude de mouvement peut endommager les structures corporelles.
Par exemple, si on tire trop sur un tendon, cela va devenir problématique car lors de la contraction musculaire, le muscle tire sur un tendon, qui tire sur l’os afin de produire du mouvement. Si le tendon n’est pas assez rigide à ce moment-là, le transfert de force à l’os n’est pas efficace. De plus, trop tirer sur certains tendons (comme le tendon patellaire ou le tendon d’Achille par exemple) peut provoquer des symptômes douloureux.
Au départ, une sensation de raideur peut être due à un problème d’alignement ou à un mauvais positionnement de certaines articulations. Par exemple, si le bassin est trop incliné vers l’avant, on se retrouve à un niveau où les muscles fléchisseurs de hanche (à l’avant du bassin) sont dans une position « raccourcie », tandis que les ischio-jambiers (à l’arrière des cuisses) se retrouvent dans une position « allongée » (voir ci-dessous).
Via Conor Harris
Avec ce scénario, on peut ressentir de la raideur à l’avant des cuisses car les muscles fléchisseurs de hanches manquent de force (pour plusieurs raisons), et de la raideur à l’arrière des cuisses car les ischio-jambiers sont étirés. Ici, les étirements ne répondent pas au problème, ils peuvent même l’aggraver : si on étire les ischio-jambiers, alors qu’ils se trouvent déjà dans une position « étirée », on ne fait qu’augmenter l’instabilité du bassin.
Une solution proposée par l’institut Postural Restoration Institute – et reprise par Conor Harris (dont j’ai passé une formation il y a un an et demi) – consiste à essayer de replacer le bassin dans une position plus neutre, en diminuant son inclinaison vers l’avant. Pour cela, on utilise des exercices sollicitant les ischio-jambiers, les adducteurs et les muscles de la sangle abdominale afin de ramener le bassin un peu plus en arrière.
Voici quelques exemples : 90-90 Hip Lift / Alternating Crossover Activity / Supine Wall Stride
Dans le même temps, ce type d’exercice peut aider à diminuer les tensions dans le bas du dos et améliorer la qualité de mouvement en squat. Si vous en ressentez encore le besoin, vous pouvez réaliser des étirements APRÈS ce genre de travail. Mais si le bassin est dans une bonne position et/ou que vous ne ressentez pas forcément de raideur, s’étirer n’est pas indispensable.
Un autre test de mobilité communément retrouvé dans le milieu sportif est le test de dorsiflexion de cheville (voir ci-dessous). Une mobilité limitée peut être due à une tension excessive dans les mollets ou dans les muscles du tibia, ou bien cela peut simplement être le fruit d’éléments anatomiques (comme un tendon d’Achille structurellement « court »). S’étirer simplement les mollets n’est donc pas forcément la solution adéquate, et peut mener à des douleurs au niveau de la plante du pied et/ou du tendon d’Achille si on force trop.
Lors du test de dorsiflexion de cheville, l’objectif est d’amener le genou le plus loin possible en avant des orteils tout en gardant le talon au sol
Pour obtenir une mobilité de cheville optimale, plusieurs stratégies sont à envisager :
– Réaliser des exercices de renforcement pour les mollets en amplitude complète – ou dans une amplitude qui n’entraîne pas de douleur – avec les jambes tendues sur certains et les jambes fléchies sur d’autres (afin de solliciter les différents muscles des mollets)
– Réaliser des exercices de renforcement en étant en appui sur l’avant du pied, sans que le talon ne soit en contact avec le sol (concept de Floating Heel)
– Renforcer les muscles des pieds – ce qui permet d’augmenter leur stabilité, et donc de pouvoir mieux exprimer leur mobilité
– Passer du temps pieds nus, pour (r)éveiller les capteurs sensoriels présents sur la face plantaire, permettant ainsi au cerveau de mieux sentir les arches du pied
EXPÉRIENCE N°2 Je vous propose une seconde expérience, pour voir l’importance des capteurs sensoriels présents sur la plante des pieds. Vous pouvez réaliser cette expérience avec n’importe quel test de mobilité, mais vous pouvez reprendre celui proposé lors de la première expérience pour une question de simplicité. Dans un 1er temps, testez votre mobilité en conditions normales. Ensuite, mettez des chaussettes épaisses et des chaussures, et refaites le test. Puis mettez-vous pieds nus, et refaites le test. Enfin, placer une petite pièce de monnaie sous la base du gros orteil et une autre sous la base du petit orteil (de chaque pied), et refaites le test. |
LES ASYMÉTRIES Si on remarque une mobilité différente entre les 2 côtés du corps sur certains mouvements, c’est normal : le corps est naturellement asymétrique. Pour la majorité des êtres humains, le cœur est sur le côté gauche du corps, la partie droite du diaphragme est plus grande que la partie gauche, on a plus de poids sur la jambe droite que sur la gauche, le bassin est légèrement tourné d’un côté et le buste légèrement de l’autre… (voir les travaux de Postural Restoration Institute pour en savoir plus) La pratique sportive est elle aussi asymétrique (pensez à un sport comme le tennis par exemple), et les positions qu’on adopte lorsque l’on s’assoit sont souvent les mêmes. Les asymétries observées n’ont pas forcément besoin d’être corrigées, surtout si on n’a aucun problème et qu’on est performant. Le travail de mobilité reste tout de même intéressant afin de fournir au corps plus d’opportunités de mouvement. |
L’aspect neurologique de la mobilité
Venons-en maintenant à l’élément le plus intéressant, celui qui est responsable du tonus musculaire et des niveaux de raideur : le cerveau, accompagné du système nerveux. Si les divers cours et formations que j’ai passé dans les domaines de la neurologie et de la kinésiologie (RPR, Square 1 System, Z Health, S10 Fitness, Kinesiology Institute) m’ont bien appris une chose, c’est que la mobilité, la force et la douleur ne sont que des « produits » du système nerveux.
En effet, pour chaque mouvement que l’on souhaite réaliser et pour chaque position que l’on s’apprête à adopter, le cerveau commence par réaliser une évaluation du niveau de « danger » de cette action ou de cette position. Cette évaluation se base sur l’interprétation d’informations provenant de 3 systèmes :
– Le système vestibulaire, dans l’oreille interne, responsable de l’équilibre et de l’orientation du corps et de la tête par rapport à la gravité. La position de la tête peut avoir une influence directe sur les aptitudes de mobilité et de force ;
– Le système visuel, comprenant les yeux, les nerfs optiques et les cortex du cerveau, et dont le rôle est de transmettre des informations concernant la lumière au cerveau. La direction du regard et les mouvements des yeux peuvent aussi avoir une influence directe sur la mobilité et la force disponibles (via notamment le réflexe oculomoteur) ;
– Le système proprioceptif, qui désigne la conscience de la position du corps et de ses membres à travers différents récepteurs (mécanorécepteurs, barorécepteurs, thermorécepteurs, nocicepteurs, chimiorécepteurs, récepteurs électromagnétiques…).
Une mobilité limitée et une sensation de raideur proviennent de la perception d’une « menace » par le système nerveux, concernant un (ou plusieurs) muscle(s) et/ou une articulation. Cette « menace » peut se révéler être un manque de force, une ancienne blessure, une position inhabituelle ou inconfortable, voire même un stress plus généralisé.
L’aspect émotionnel joue un rôle important dans le tonus musculaire global, et donc dans la mobilité. Pour minimiser les raideurs et optimiser les performances du corps humain, il faut donc apprendre à gérer le stress et à gérer ses émotions.
EXPÉRIENCE N°3 Je vous propose une nouvelle expérience, pour voir comment les émotions impactent la mobilité. Vous pouvez réaliser cette expérience avec n’importe quel test de mobilité, mais vous pouvez reprendre celui proposé lors de la première expérience pour une question de simplicité. Dans un 1er temps, testez votre mobilité en conditions normales. Ensuite, pensez à quelque chose de négatif (un mauvais souvenir, une personne que vous n’aimez pas, quelque chose qui vous stresse), et refaites le test. Puis pensez à quelque chose de positif (un bon souvenir, une personne que vous appréciez beaucoup, quelque chose qui vous procure du bonheur), et refaites le test. |
Lorsqu’on prend en compte l’aspect neurologique de la mobilité, on comprend que toutes les formes d’entraînement impactent le cerveau et le système nerveux. Et les étirements statiques ne dérogent pas à la règle : au départ, quand on commence à amener le corps dans des positions d’étirement, l’amplitude de mouvement est limitée car le cerveau n’est pas familier avec ces positions.
En retour, il met en action des réflexes – comme le réflexe myotatique – pour se protéger face à cet étirement, qu’il perçoit comme une « menace » pour l’intégrité des muscles et des articulations. Au fil du temps, si on continue à adopter ces positions, le cerveau s’y habitue, la raideur diminue et l’amplitude de mouvement grandit, au détriment de l’activation de réflexes essentiels à la performance et face aux blessures.
On peut aussi légitimement se poser la question du transfert de souplesse entre les positions dans lesquelles on réalise des étirements statiques, et les mouvements dans lesquelles on souhaite que cette souplesse s’exprime – étant donné qu’ici le cerveau ne s’adapte que spécifiquement aux positions dans lesquelles on s’étire.
De l’autre côté, avec le renforcement musculaire, on gagne en mobilité, pas juste en souplesse, et les améliorations sont plus rapides et pérennes. Lorsqu’on maintient une position en fin d’amplitude de mouvement avec une charge, le système nerveux produit un certain niveau de force, qui peut permettre au cerveau de se sentir plus en « sécurité » et, en retour, cela peut donner accès à une plus grande amplitude de mouvement.
Sans cet aspect de force et de contrôle, absent dans la plupart des conditions d’étirement, le cerveau n’a pas de raison de se sentir plus en « sécurité« .
Dans cette vidéo, vous pouvez remarquer un gain d’amplitude de mouvement progressif dû à la combinaison de contrôle moteur et de respiration nasale
De plus, les étirements statiques provoquent un étirement des tissus conjonctifs, alors qu’on veut que les ligaments restent relativement raides pour limiter l’espace entre les os. Quand c’est le cas et qu’il y a un certain niveau de compression dans une articulation, les ligaments peuvent fournir au système nerveux beaucoup d’informations concernant le niveau de pression dans cette articulation.
Si on diminue la quantité d’information avec trop d’étirements, on obtient moins de tension pour protéger l’articulation, qui devient ainsi moins résistante face aux stress rencontrés dans la pratique sportive et dans la vie de tous les jours.
COMMENT ÉLIMINER LES ORIGINES D’UN EXCÈS DE RAIDEUR ?
En revenant quelques paragraphes plus haut, une solution apparaît : si on arrive à manipuler le système vestibulaire, le système visuel et/ou le système proprioceptif convenablement, alors on peut modifier la perception de « danger » du cerveau, restaurant ainsi force et mobilité.
Cette manipulation exige certaines connaissances en neurologie et/ou en kinésiologie, afin de pouvoir déterminer les origines d’une raideur/tension. En utilisant les techniques adaptées, il est ensuite possible de s’en débarrasser très rapidement (parfois en seulement quelques secondes).
EXPÉRIENCE N°4 Je vous propose expérience pour constater l’effet d’une technique de kinésiologie sur la mobilité. Cette fois-ci je ne vous laisse pas le choix : pour cette expérience, vous allez reprendre le test proposé lors de la première expérience. Dans un 1er temps, testez votre mobilité en conditions normales. Ensuite, levez un genou à hauteur du bassin, passez votre main sur l’arrière de votre cuisse en allant de l’arrière du genou jusqu’en haut des fesses, et refaites le test. Puis, levez de nouveau un genou à hauteur du bassin, passez votre main sur l’arrière de votre cuisse en allant dans l’autre sens, du haut des fesses jusqu’à l’arrière du genou, et refaites le test. |
Pour en apprendre davantage et avoir accès à plusieurs techniques de kinésiologie, j’ai ce qu’il vous faut : OFFRE DÉBLOCAGE DE POTENTIEL
Au final…
Si vous appréciez les étirements, que vous en sentez des bénéfices, et que vous aimez bien en faire avant ou après un effort, alors ne vous en privez pas. Restez tout de même vigilant concernant les modalités, le volume global et l’intensité lorsque vous vous étirez.
Si vous n’aimez pas les étirements et que vous n’en tirez aucun effet positif, alors j’espère vous avoir présenté des solutions intrigantes à explorer. L’objectif final étant que vous puissiez réaliser toutes les activités que vous désirez en vous sentant bien dans votre corps et libre de vos mouvements.
Pensez donc à bouger souvent pendant la journée, en évitant de rester assis trop longtemps dans la même position, et essayez de mobiliser tous vos membres corporels régulièrement.
Amis et collègues préparateurs physiques, coachs sportifs et entraîneurs, j’ai maintenant quelques interrogations à partager avec vous :
– Les conditions dans lesquelles sont traditionnellement réalisées les tests de mobilité sont-elles les plus optimales pour observer le plein potentiel du corps ?
EXPÉRIENCE N°5 Nouvelle expérience, pour observer comment le niveau d’activité physique peut jouer sur la mobilité. Vous pouvez réaliser cette expérience avec n’importe quel test de mobilité, mais vous pouvez reprendre celui proposé lors de la première expérience pour une question de simplicité. Dans un 1er temps, tester votre mobilité en conditions normales. Ensuite, faites du sport pendant plusieurs dizaines de minutes (si possible un jeu ou un sport collectif que vous appréciez), et refaites le test. |
EXPÉRIENCE N°6 Enfin, je vous propose une dernière expérience. Vous pouvez la réaliser avec n’importe quel test de mobilité, mais vous pouvez reprendre celui proposé lors de la première expérience pour une question de simplicité. Dans un 1er temps, testez votre mobilité en conditions normales. Mettez ensuite une boucle d’oreille, un collier, une bague (pas à l’annulaire) ou des écouteurs intra-auriculaires, et refaites le test. |
– La mobilité statique équivaut-elle à la mobilité dynamique lors de l’effort ? Est-ce que certaines amplitudes de mouvement ne seraient-elles pas accessibles seulement à l’aide d’une certaine quantité de force ou d’impulsion ?
Par exemple, en position debout, jambes tendues, avec une main contre un mur ou avec quelque chose pour vous équilibrer, essayez de ramener lentement le talon d’un de vos pieds le plus proche possible de vos fesses. Ensuite, avec le même pied, essayez de donner rapidement un coup de talon dans vos fesses. L’amplitude de mouvement est-elle la même ?
– Est-ce que les étirements (statiques) ne représentent pas finalement une perte de temps et d’énergie ? 2 choses cruciales dans la vie d’un athlète, que l’on pourrait peut-être allouer à des méthodes/outils plus efficaces dans une optique de performance et de prévention de blessure ?
– Est-ce que les athlètes avec qui on travaille aiment s’étirer ? Si ce n’est pas le cas, est-ce vraiment grave s’ils ne s’étirent pas ?
– Est-on bien sûr des effets des étirements ? Doit-on continuer à en faire parce que c’est ancré dans nos coutumes, ou devrait-on repenser à leur usage à la lumière des éléments présentés au fil de cet article ?
– Au final, s’étirer, est-ce vraiment une absolue nécessité ?
Références
- Reflexive Performance Reset – Level 1 Online Course
- Reflexive Performance Reset – Level 2 Online Course
- Square 1 System – Level 1 Online Course
- Z Health – Essentials of Elite Performance
- Kinesiology Institute – Sports Kinesiology Online Course
- S10 Fitness – Online Training Program
- Conor Harris – 10 Week Biomechanics Online Course
- Let me Introduce You, Barr & Piloti, 2023
- S’étirer ou connecter ?, Institut IP
- ‘’Increasing muscle extensibility: a matter of increasing length or modifying sensation?’’, Weppler & Magnusson, 2010
- ‘’ A review of the effects of static stretching in human mobility and strength training as a more powerful alternative: Towards a different paradigm’’, Moscao & al., 2020
- ‘’Comparative efficacy of active recovery and cold water immersion as post-match recovery interventions in elite youth soccer’’, Pooley & al., 2020
- ‘’The effect of different stretching protocols on vertical jump measures in college age gymnasts’’, Montalvo & Dorgo, 2019
- ‘’Stretching to prevent or reduce muscle soreness after exercise’’, Herbert & al., 2011
- ‘’Static stretching does not enhance recovery in elite youth soccer players’’, Pooley & al., 2017
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