Échelle de rythme : quelle utilité ?

Arrivées dans le monde de l’entraînement il y a plus d’une décennie, les échelles de rythmes ont d’abord connu un franc succès, avant d’ensuite susciter de vives critiques ces dernières années. Aujourd’hui, les avis sont divers et variés concernant cet outil, certains l’utilisant très régulièrement, d’autres l’ayant complètement abandonné. Entre les deux, on peut trouver des raisons d’avoir recours aux échelles de rythme de temps en temps, en ayant conscience à la fois de leurs avantages et de leurs limites.

Les limites

Une partie des critiques émises sur l’échelle de rythme est liée à ses noms alternatifs : échelle de vitesse, échelle d’agilité ou échelle de coordination, plusieurs termes existent pour désigner cette succession de carrés ou de rectangles s’étalant sur plusieurs mètres.

Malheureusement, certains de ces noms ne sont pas les plus appropriés, et pour cause :

Les échelles ne permettent pas de développer l’agilité ; cette qualité nécessite un environnement spécifique, chaotique et imprévisible, dans lequel on réalise des mouvements en fonction d’éléments extérieurs (coéquipiers, adversaires, matériel…) avec un objectif précis (éliminer un défenseur, intercepter un ballon, scorer…).

Lorsqu’on réalise des mouvements sur une échelle de rythme, il n’y a pas d’élément réactif dynamique, pas de couplage entre les actions et la perception du monde extérieur, pas de prise de décision, et le regard est tourné vers le sol (alors qu’en situation sportive on a plus souvent le regard levé, dans l’optique de prendre des informations). L’agilité et l’échelle de rythme sollicitent des parties différentes du cerveau.

On ne peut pas non plus parler de travail de changement de direction car la force produite au sol est significativement plus faible lors d’exercices avec échelle de rythme, et les angles corporels sont distincts.

– Comme les forces produites au sol sont relativement faibles, que les distances parcourues sont courtes et que les intentions de mouvement ne sont pas les mêmes, le nom ‘’échelle de vitesse’’ n’est lui non plus pas conforme. En effet, dans la plupart des exercices sur échelle de rythme, l’intention est de bouger rapidement les pieds, pas de déplacer le corps le plus possible vers l’avant.

Si on souhaite améliorer les qualités d’accélération et de vitesse, il faut s’entraîner à sprinter sur des distances plus ou moins longues, avec des contraintes variées (positions de départ, attitude du haut ou du bas du corps, charge additionnelle…).

Cependant, le faible intérêt des échelles de rythme dans le développement de l’agilité, de l’accélération, de la vitesse et des changements de direction ne signifie pas qu’elles sont totalement obsolètes. Au lieu de se focaliser sur ses limites, il vaudrait donc mieux s’intéresser aux bénéfices que peuvent apporter les échelles de rythme.

Les avantages

Les qualités que l’on peut travailler à l’aide de cet outil sont multiples :

1. Délai positionnel (ou positional delay, terme proposé par Paul J. Fabritz dans une vidéo disponible sur la plateforme éducative EdgeU), qui correspond au temps nécessaire pour passer d’une position corporelle sous-optimale à une position optimale, c’est-à-dire une position à partir de laquelle on peut appliquer de la force avec de bons angles et en grande quantité. On parle alors du délai entre le signal du cerveau indiquant d’aller dans la position adéquate et l’arrivée dans cette position.

Par exemple, en situation défensive au basket-ball, il est parfois nécessaire de réaliser un Hip Flip (repositionnement rapide des pieds en tournant les hanches) lorsque l’on veut suivre un attaquant adverse qui va vers les paniers. Dans ce cas, ce n’est pas la quantité ni l’angle de force qui importent, c’est plutôt la vitesse de repositionnement des pieds.

Certains exercices permettent de se concentrer directement sur la cadence d’impulsions neuronales (vitesse à laquelle les signaux vont du cerveau jusqu’aux muscles afin de réaliser un mouvement), avec des gestes relativement simples où l’on cherche juste à bouger les pieds le plus vite possible.

Exemples d’exercices mettant l’accent sur la vitesse de mouvement

2. Contraction-relâchement : comme indiqué dans des articles précédents, la capacité à activer et relâcher rapidement et de manière successive les muscles représente un aspect crucial de la performance athlétique, que l’on peut retrouver dans de nombreux exercices avec échelle de rythme.

3. Coordination : bien que les mouvements réalisés sur échelle de rythme ne soient pas forcément très spécifiques à ceux réalisés en situation sportive, ils demandent quand même une certaine coordination du bas du corps, parfois en synchronisation avec le haut du corps. En développant les aptitudes globales de coordination, on augmente les options de mouvement disponibles pour le corps, ce qui améliore sa capacité d’adaptation dans l’environnement chaotique que représente la pratique sportive.

Contre les idées d’hyperspécialisation et de monotonie, exposer le corps à des mouvements différents, qu’il n’est pas habitué à rencontrer, et étoffer ainsi sa ‘’banque de mouvement générale’’ revêt aussi un intérêt.

Les échelles de rythmes permettent de challenger la capacité de mouvement dans plusieurs plans, notamment avec des exercices de mobilité dynamique (pour apprendre à dissocier rapidement le bassin et les épaules, par exemple).

Exemples d’exercices de mobilité dynamique

4. Conscience kinesthésique : les ‘’cases’’ de l’échelle constituent des contraintes obligeant à avoir des mouvements et des appuis précis au sol, éléments cruciaux si l’on souhaite limiter les risques de blessure. On développe la dextérité du bas du corps, un élément important lors des périodes de croissance, où les relations spatiales changent et où les membres évoluent (en termes de diamètre et de longueur).

5. Plyométrie extensive : les exercices sur échelles de rythme impliquent des charges légères et répétées sur les tendons (aussi bien d’Achilles que ceux du genou), permettant de renforcer les structures tendineuses et musculaires de façon ‘’élastique’’ (voir article). C’est une très bonne façon d’augmenter la résilience des muscles autour de la cheville, du pied et de la jambe dans une logique de prévention de blessure et afin de les préparer à des efforts plus intenses par la suite.

On trouve une utilité à ce type d’effort en échauffement, dans certains contextes de réathlétisation, ou encore pour conserver l’élasticité des tendons lorsqu’on s’entraîne moins.

6. Capacités cardio : les échelles de rythmes offrent la possibilité de travailler sur diverses qualités cardiovasculaires et cardiorespiratoires, sans comporter la même contrainte neuromusculaire que des aller-retours réalisés à vitesse élevée. On peut réaliser un mouvement rapide et simple sur une durée courte, en répétant des efforts séparés d’une courte période de récupération, ou enchaîner plusieurs mouvements plus ou moins complexes sur une durée plus longue.

Enfin, utiliser des échelles de rythme peut être fun ! C’est une très bonne option à intégrer en échauffement, pouvant servir à challenger les capacités de mouvement au moyen d’exercices variés tout en préparant le corps pour des efforts plus intenses ensuite. En groupe, on peut même ajouter de la compétition en chronométrant les passages, créant ainsi encore plus d’enthousiasme et d’intention d’effort.

Exemples d’exercices challengeant la capacité de mouvement

Références

  1. How we learn to move, Rob Gray
  2. Learning to optimize movement, Rob Gray
  3. Compte Instagram @PJFperformance
  4. PJF Podcast –  épisode 24
  5. Vidéo ‘’Ladder Drills for Positional Delay’’, site Web edgeu.com
  6. Vidéo ‘’Change of direction/Agility Webinar’’, site Web coachmatthank.myshopify.com
  7. ‘’Why Agility Ladders are Overrated’’, site Web stack.com
  8. ‘’Why you’re wasting your time with an Agility Ladder’’, site Web becomebettersppt.com  
  9. ‘’Do Agility Ladders Work?’’, site Web plt4m.com
  10. ‘’The Agility Ladder — Useful Tool or Waste of Time?’’, site Web elitefts.com  
  11. ‘’Are Agility Ladders Effective?’’, site Web overtimeathletes.com
  12. ‘’If We Can Learn to Agree About Agility Ladders, We Can Learn to Agree About Anything’’, site Web simplifaster.com

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