Concept d’entraînement : l’Agilité Extensive

Cette idée vient au départ d’une envie de travailler l’endurance avec une intensité sous-maximale (dans l’optique d’améliorer la santé cardiovasculaire et la souplesse métabolique) d’une façon différente de ce qui peut se faire traditionnellement. J’étais à la recherche de quelque chose de plus fun, de plus challengeant en termes de mouvement, afin que les gens puissent apprécier encore plus leurs séances de sport – et donc qu’ils soient prompts à bouger et à s’entraîner plus fréquemment. Toutefois, j’ai réalisé que la structure de ce concept pouvait également être très utile dans la sphère de la performance, que ce soit en réathlétisation ou dans l’entraînement de la haute performance. Dans les paragraphes suivants, je vais essayer de vous expliquer pourquoi.

Inspirations & bénéfices

Tout d’abord, je tiens à souligner l’influence des travaux de Lee Taft et des travaux de Paul J. Fabritz sur tout ce que je vais présenter. La formation de Lee Taft sur l’entraînement de la vitesse et de l’agilité (Speed Insiders) a été très utile pour m’aider à structurer ce concept et pour me donner des idées de mouvement. Concernant Paul J. Fabritz, je suis de près tout ce qu’il partage sur internet depuis bientôt 3 ans, que ce soit ses podcasts, ses programmes, ou encore les nombreuses vidéos éducatives qu’il partage sur sa chaine YouTube ainsi que sur la plateforme EdgeU.

Ce concept rejoint la logique de plyométrie extensive pour la santé des tendons, en offrant aux unités musculo-tendineuses du bas du corps les types d’interactions spécifiques aux sports (ou du moins à certains d’entre eux). Cela aide à préparer les structures corporelles à ces types d’interactions avec de plus en plus d’intensité au fil du temps ; c’est le stress mécanique adéquat pour apprêter les tendons aux activités athlétiques, la tâche elle-même dictant les adaptations musculo-tendineuses

Comme la plyométrie extensive pour la plyométrie intensive, je suis convaincu que l’agilité extensive permet de préparer au mieux le corps pour l’agilité intensive – et donc pour la pratique sportive – en développant la résilience des tendons et d’autres tissus (passifs ou actifs) à travers des contacts ‘’élastiques’’ de faible intensité au sol. C’est aussi utile en échauffement, avant de réaliser des mouvements / exercices plus ‘’agressifs’’ et plus exigeants en termes de forces de ressort (à travers des mouvements similaires à ceux qui vont être utilisés pendant la séance, ou avec des mouvements totalement différents).

En utilisant des mouvements extensifs, on introduit de l’élasticité à un faible niveau et on entraîne les co-contracteurs du complexe pied-cheville-jambe à être capable de supporter des efforts de plus en plus intenses au fil du temps. Renforcer cette structure est un élément très important en prévention de blessure, autant au niveau de ce complexe qu’au niveau du genou.

Un autre aspect à prendre en considération est le développement de la ‘’banque générale’’ de mouvement, qui offre aux athlètes plus d’options de mouvement disponibles dans leur pratique sportive. Ce concept aide aussi à faire évoluer la coordination neuromusculaire globale des athlètes (dans plusieurs plans de mouvement). Avec le temps, cela va les aider à s’ajuster plus facilement et plus rapidement aux demandes de l’environnement chaotique que représente la pratique sportive, en utilisant une solution de mouvement plus appropriée.

Également, le fait d’exposer de jeunes athlètes à une grande variété de mouvement est très intéressant, surtout dans le cas d’hyperspécialisation. Avec ce concept, ils peuvent être exposés à un large éventail de footwork et de challenges de mouvement différents de ceux qu’ils peuvent rencontrer dans leur sport. Encore une fois, cela représente une caractéristique non négligeable dans le développement athlétique à long terme et en prévention de blessure.

Concernant les mouvements possibles, la seule réelle limite est la créativité, tant que cela reste un minimum sensé. On peut associer plusieurs patterns de mouvement compliqués, sport-spécifiques ou non, et on peut challenger les athlètes de nombreuses façons différentes dans l’objectif de créer de meilleurs move

Note concernant la surface d’entraînement

Je recommande d’introduire ce concept sur une surface ‘’douce’’ (herbe, gazon ou tapis de gymnastique) si possible, pour limiter les impacts sur les articulations (en plus de pouvoir plus facilement être pieds nus que sur d’autres surfaces). Ensuite, il est possible d’aller vers des surfaces plus ‘’dures’’ jusqu’à atteindre la surface du sport (en repassant en chaussures).

Il est indispensable de finir sur la surface du sport car c’est la seule manière de préparer adéquatement les tissus à accepter les forces et à devoir gérer les impacts sur cette surface précise, à travers l’interaction musculo-tendineuse adéquate (dans une perspective préventive, pour diminuer le risque de blessure). En allant vers des surfaces plus ‘’dures’’, comme celles-ci sont plus stressantes pour le corps, il est aussi important de diminuer légèrement le volume par rapport à des surfaces plus ‘’douces’’.

Description du concept

Après avoir parlé des bénéfices potentiels de ce concept, il est maintenant temps de le présenter. L’idée est plutôt simple : on prend des mouvements provenant du basket-ball, du rugby, du football ou de n’importe quel autre sport, et on les réalise de manière ‘’extensive’’ (intensité légère-modérée avec beaucoup de répétitions). Au fil des séances/semaines/mois, on peut progressivement augmenter l’intensité, la vitesse et/ou le volume, et il est aussi possible de passer de mouvements relativement simples à des mouvements plus complexes.

En faisant cela, on prépare le corps aux efforts / mouvements spécifiques d’un sport donné, et on travaille aussi la coordination globale en utilisant des mouvements auxquels le corps n’est pas habitué (car il ne les rencontre pas dans le sport donné). Selon moi, exposer le corps à cette variété de mouvements peut être vraiment bénéfique pour la performance et pour rendre les tissus corporels plus résilients.

Ce concept donne l’opportunité de travailler sur des mouvements spécifiques d’un sport donné, et d’accumuler beaucoup de répétitions sur un mouvement précis afin de perfectionner son exécution. Cela donne aussi la possibilité d’équilibrer en quelques sortes les 2 côtés du corps, car chaque mouvement peut être réaliser sur les 2 jambes (alors que les sports peuvent parfois être déséquilibré à ce niveau-là et favoriser plus un côté du corps que l’autre).

Points supplémentaires :

  • Étant donné la souplesse de ce concept, il peut être utilisé tous les jours, que ce soit un jour faible ou un jour élevé en intensité, en manipulant les variables correctement ;
  • Ce concept peut être réalisé pieds nuscomme vous pouvez le voir dans les vidéos de certains exercices ci-dessous –, en s’assurant qu’on n’en fait pas ‘’trop’’, trop vite. Une progression adéquate doit être respectée afin d’éviter des sensations désagréables dans le pied. Tout devrait être réalisé sans douleur, et il existe de nombreuses façons de diminuer l’intensité des efforts si besoin est. À côté de cela, je trouve que c’est une très bonne occasion de laisser les athlètes ‘’sortir’’ de leurs chaussures, et c’est aussi une excellente manière d’améliorer la santé du complexe pied-cheville- jambe (en exposant ce complexe à des forces dans une grande variété d’angles et de positions) ;
  • Selon moi, réaliser de nombreux mouvements différents sur de l’herbe (dehors si possible) et pieds nus constitue un très bon stimulus pour l’athlète, ainsi qu’un bon moment pour le laisser freestyler avec sa ‘’banque de mouvement’’ pour qu’il puisse explorer les capacités de son corps ;
  • Quand l’intensité est relativement faible, je recommande de respirer seulement par le nez pour offrir un challenge supplémentaire au système respiratoire ;
  • Même pour les non-athlètes (ce pour quoi il est à l’origine conçu), ce concept peut représenter un élément très fun à intégrer dans l’entraînement de n’importe qui afin d’amener de la variabilité et de rendre les séances moins monotones.

Structure

Le cadre que je vais vous présenter n’est bien entendu pas exhaustif, mais il permet d’offrir une structure à ce concept, structure que vous pouvez modifier selon vos propres besoins.

Règles générales

  • Course en aller-retour sur 20 à 50m pendant 2 à 5min (par mouvement), puis 1 à 3min de récupération entre chaque mouvement
  • Réaliser plusieurs répétitions du mouvement à l’aller et au retour, de manière aléatoire
  • Ne pas chercher à mettre trop d’intensité au départ, chercher juste à avoir de bonnes sensations et des contacts au sol relativement rapides
  • À partir de là, augmenter progressivement l’intensité des mouvements, tant que les sensations restent bonnes et qu’on ne ressent pas de douleur
  • Essayer de respirer au maximum uniquement par le nez

Il y a 4 niveaux possibles :

  • Niveau 1 = l’athlète réalise le mouvement quand il veut
  • Niveau 2 = l’athlète réalise le mouvement quand un signal (auditif, visuel, en miroir, …) est donné, et la direction du mouvement est connue
  • Niveau 3 = l’athlète réalise le mouvement quand un signal (auditif, visuel, en miroir, …) est donné, et la direction du mouvement est inconnue
  • Niveau 4 = combinaisons de plusieurs répétitions du même (ou de plusieurs) mouvement(s), avec des directions inconnues (exercices en miroir par exemple)

Pour chaque niveau, on peut moduler l’intensité (de la course et/ou des mouvements), la fréquence des répétitions, ainsi que le volume (durée de l’effort et/ou de la récupération entre les efforts) pour offrir encore plus de progressions et de régressions. On peut également éliminer l’usage des bras pour forcer les athlètes à avoir des meilleurs angles d’application de force au sol (un élément que j’ai sûrement vu dans la formation de Lee Taft ou lu dans le dernier livre de Frans Bosch sur l’agilité).

J’ai choisi de décomposer la ‘’banque de mouvement’’ en 6 catégories (non-exhaustives) :

1. Course avant

2. Course arrière

3. Cut

4. Spin

5. Patterns de mouvement

Notes : réaliser un léger changement de direction après chaque répétition afin de ne pas rester ‘’coincé’’ au sol et éviter de mettre trop de charge sur les muscles / sensations modérées d’effort dans les quadriceps et les fessiers

6. Changement de rythme

Notes : 30s d’effort, avec 1min à 1min30 de repos entre chaque effort / Varier entre 5 et 70-80% de l’intensité max d’effort (pas d’intensité max au départ), ne pas chercher à forcément mettre beaucoup d’intensité / Essayer d’être rapide au sol

Voici un exemple de ce à quoi un bloc d’entraînement pourrait ressembler

Consignes générales

  • Aller-retour sur 20-50m, avec une intensité légère-modérée
  • Réaliser chaque répétition aléatoirement
  • Ne pas chercher à mettre trop d’intensité au départ, juste chercher à avoir de bonnes sensations en étant rapide au sol
  • Augmenter progressivement l’intensité des mouvements tant que les sensations restent bonnes et qu’on ne ressent pas de douleur
  • Essayer de respirer au maximum uniquement par le nez

Exercices / mouvements :

Course Arrière + Step Back / 2min d’effort – 1min de récupération

Course Arrière Latéral / 2min – 1 min

Fake Cut / 2min – 1 min

Jab + Cross Step / 2min – 1 min

Jab + Pivot + Step Back / 2min – 1 min

Changement de rythme en Spin / 2min – 1 min

Spin + Step Back (2) / 2min – 1 min

Feinte de Fake Spin / 2min – 1 min

Programmation

Selon moi, ce concept peut être utilisé à différents moments pendant une séance / pendant une semaine d’entraînement :

  • En fin d’échauffement, pour travailler sur la coordination, développer la ‘’banque de mouvement’’ d’un athlète et pour avoir une transition fluide vers des exercices plus intenses
  • Comme un bloc complet d’entraînement d’agilité, pendant une séance de type athlétique
  • Comme un bloc complet d’entraînement d’endurance, selon le type d’endurance que l’on souhaite développer
  • À la fin d’une séance de renforcement musculaire, pour faire revenir les athlètes à des mouvements athlétiques de faible intensité et/ou pour servir de cool down
  • Dans un jour / une session de récupération, pour que les athlètes bougent un peu, et pour qu’ils prennent du plaisir à l’entraînement en challengeant leur capacité de mouvement avec une intensité faible
  • Ce concept pourrait aussi être utilisé par le skills coach (le coach basket par exemple) comme une façon extensive d’apprendre l’exécution de mouvements spécifiques

Planification

Ce concept est utilisable à différents moments de l’année, peu importe le statut de l’athlète :

  • Il pourrait être utile toute l’année, étant donné toutes les possibilités entre les différents niveaux et les nombreuses variables que l’on peut manipuler. Tant que l’on sait ce qu’on recherche, ce concept constitue une solution intéressante.
  • Comme mentionné en introduction, cette structure est utilisable en réathlétisation, même très tôt dans certains cas. Par exemple, il est envisageable de réaliser des mouvements relativement simples en marchant à une intensité modérée, pieds nus dans l’herbe (si c’est possible), afin de réintroduire de la variabilité de mouvement dans l’entraînement (en plus d’améliorer la santé du complexe pied- cheville-jambe si les mouvements sont réalisés pieds nus). À partir de là, on peut progressivement augmenter l’intensité, le volume et la complexité des mouvements jusqu’à la fin de la réathlétisation (et continuer ensuite à utiliser ce concept).
  • Pour le préparateur physique qui travaille avec des athlètes en hors-saison, ce concept peut être introduit tôt et progressé au fil des semaines/mois, en allant de mouvements extensifs à faible intensité vers des mouvements plus intenses. Ensuite, il est possible de laisser l’athlète travailler plus avec le skills coach une fois qu’il est prêt pour un plus grand volume d’entraînement de plyométrie et d’agilité sport-spécifique. De cette manière, ce concept sert de préparation progressive aux mouvements de haut niveau que les athlètes vont rencontrer dans leur pratique sportive.

Après avoir parcouru cet article, j’espère que la lecture en valait le coup et que vous avez trouvé des informations utiles parmi mes idées. N’hésitez pas à me donner votre avis ou à me poser des questions si vous en avez à l’esprit (via mon compte instagram ou par mail). Pour les plus intéressé(e)s, je peux aussi vous envoyer tous les mouvements que j’ai pu filmer !

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