Au même titre que le coup droit au tennis, le swing au golf ou bien encore la passe plat du pied au football, le tir constitue un geste technique d’importance capitale au basket-ball. En se fiant à certains coachs experts dans le domaine, l’acquisition d’une grande maîtrise dans ce mouvement nécessite un élément essentiel : la répétition. Mais que doit-on répéter exactement pour améliorer la compétence de tir ?
Cet article reprend de nombreuses idées présentes dans les ouvrages de l’auteur Rob Gray, How we Learn to Move et Learning to Optimize Movement, deux livres que je recommande vivement à toute personne désirant en savoir plus sur l’apprentissage et le mouvement.
Comment apprendre ?
Une nouvelle vision de la répétition
Tout d’abord, il est indispensable de déconstruire une idée reçue, encore omniprésente dans le monde de l’apprentissage aujourd’hui : celle de la répétition d’une seule technique unique ‘’correcte’’ de mouvement, que l’on chercherait à reproduire à l’identique à chaque fois.
Pourtant, plusieurs travaux vont bien à l’encontre de cette idée. Nikolai Bernstein, entre autres, a démontré il y a un siècle que des forgerons très compétents ne répétaient pas le même mouvement, mais répétaient le même résultat d’action (ici, frapper un burin à l’aide d’un marteau avec précision) en effectuant un mouvement différent à chaque exécution.
À partir de là est né le concept de « répétition sans répétition« , c’est-à-dire la répétition (d’un résultat d’action) sans répétition (d’un même mouvement). Pour pouvoir reproduire un même résultat, il faudrait donc utiliser une technique légèrement différente à chaque fois. La maîtrise viendrait alors de la capacité à répéter un résultat identique de plusieurs façons différentes.
Au-delà de ne pas être optimale, la répétition d’un exact même mouvement encore et encore est impossible. En effet, les conditions sont en perpétuelles fluctuations, que ce soit dans l’environnement externe (placement, comportement et mouvements des coéquipiers et des adversaires, matériel, surface de jeu, conditions climatiques selon le sport…) ou dans l’environnement interne (position des appuis, angles articulaires, fatigue globale et locale, émotions, proprioception, intéroception…).
Chaque mouvement est réalisé dans un contexte particulier, avec une série de facteurs externes et internes qui lui sont propres et qui diffèrent plus ou moins grandement d’un autre mouvement. Ainsi, une même commande motrice envoyée au système nerveux et aux muscles n’aboutira pas toujours au même mouvement.
D’autres études (Gandon & al., 2013 ; Schollhorn & Bauer, 1998 ; Figueiredo & al., 2012 ; Horst & al., 2020) ont également montré des mouvements très différents entre plusieurs experts d’une même discipline, discréditant un peu plus l’idée de l’existence d’une seule et unique technique de mouvement ‘’correcte’’.
Si c’était vrai, comment pourrait-on expliquer l’efficacité d’athlète tels que Tyrese Haliburton…
…Ou Sandrine Gruda, ayant chacun un tir que l’on peut s’accorder à qualifier de ‘’peu académique’’ ?
La variabilité induite par les changements constants de l’environnement nécessite de développer une certaine adaptabilité dans son mouvement, afin de pouvoir arriver au même résultat d’action dans une multitude de conditions différentes. Le niveau de compétence dans une tâche (telle que réussir un tir) dépend du nombre de solutions disponibles pour la réaliser.
Une solution de mouvement optimale est une solution qui répond de manière optimale aux conditions présentes lors du mouvement en question. Il faut apprendre à faire preuve de variabilité dans sa technique pour répondre à la variabilité de l’environnement. Devenir plus performant implique d’augmenter la ‘’bonne’’ variabilité, celle qui permet d’atteindre le même objectif de plusieurs manières.
Toutefois, même si on ne réalise pas toujours le même mouvement, chaque geste n’est pas non plus aléatoire : ils répondent tous aux contraintes de l’environnement. Il existe aussi des invariants, c’est-à-dire des éléments qui sont retrouvés chez tous les athlètes compétents, ainsi que dans chaque exécution d’un mouvement spécifique pour un même athlète.
Pour le tir au basket-ball, les observations scientifiques mettent en évidence plusieurs particularités, qui seront évoquées dans la seconde partie de cet article. En attendant, on va s’intéresser à 2 méthodes d’entraînement qui utilisent le concept de répétition sans répétition : l’apprentissage différentiel et l’approche avec contrainte.
Apprentissage différentiel
Avec l’apprentissage différentiel, l’objectif est de déstabiliser les solutions de mouvement d’un athlète afin de favoriser l’exploration du champ des possibles, l’auto-organisation et la variabilité dans l’exécution du mouvement.
On cherche à optimiser la ‘’bonne’’ variabilité, celle qui permet de s’adapter aux contraintes changeantes de l’environnement, tout en réduisant la ‘’mauvaise’’, celle qui ne permet pas d’atteindre le résultat escompté.
Par exemple, pour travailler le tir, on peut varier les positions corporelles, la position des appuis, les placements de la balle, la surface au sol, la taille et le poids du ballon, la vitesse et le rythme du mouvement…
L’ajout de variabilité de manière aléatoire à l’entraînement permet d’amplifier les fluctuations naturelles dans le système de mouvement humain. L’athlète peut ainsi tirer avantage de ses propres caractéristiques individuelles et trouver ses propres ‘’solutions’’.
On encourage l’athlète à explorer tout le champ des possibles, à atteindre un résultat (ici, marquer un tir) d’une multitude de façon différente, afin qu’il soit ensuite plus à-même de s’adapter efficacement aux conditions changeantes en compétition. Proposer des challenges aussi compliqué à l’entraînement qu’en match – voire plus – peut rendre ensuite les choses plus ‘’simples’’ en compétition.
Pour que l’apprentissage différentiel soit vraiment utile, les exercices doivent compléter la variabilité personnelle naturelle de l’athlète. Plus celle-ci est grande, pour un niveau novice par exemple, moins on doit ajouter de variabilité externe (c’est-à-dire qu’on n’a pas besoin de proposer des choses très compliquées et très éloignées de ce qui se produit naturellement en situation compétitive).
À l’inverse, plus la variabilité personnelle est faible (lorsque l’athlète est vraiment compétent à la tâche), plus on peut rendre les choses aléatoires et proposer des situations complexes.
Approche avec contrainte
Une contrainte est un élément qui élimine certaines possibilités d’actions pour diriger vers d’autres. Elle n’oblige pas à réaliser un mouvement d’une façon extrêmement précise, mais elle réduit le nombre d’options tout en laissant l’athlète trouver sa propre solution de mouvement parmi ce qui lui est possible de faire pour réaliser la tâche.
Il existe 3 types de contrainte :
- Individuelle, c’est-à-dire les propriétés physiques de l’athlète (taille, poids, force, vitesse, mobilité…)
- Environnementale, c’est-à-dire les propriétés générales du monde autour de soi (gravité, vent, terrain, température, niveau de lumière…)
- Liée à la tâche, c’est-à-dire les facteurs spécifique à la compétence réalisée (règles, équipement, espace…)
Les contraintes permettent de rendre certaines solutions inefficaces, encourageant l’athlète à trouver d’autres solutions plus efficaces. L’objectif n’est pas de donner directement ‘’la’’ bonne solution, mais de laisser l’athlète s’auto-organiser pour trouver la (ou les) sienne(s). Avec cette méthode, l’apprentissage d’une compétence émerge face aux contraintes imposées, sans forcer une technique de mouvement à travers la répétition.
L’approche avec contrainte favorise aussi le développement de la ‘’bonne’’ variabilité en autorisant l’exploration ; l’athlète dispose d’une certaine liberté de mouvement malgré les contraintes. Après avoir identifié les caractéristiques de mouvement de tireurs très compétents, on peut mettre en place des environnements facilitant l’acquisition d’attributs similaires chez des personnes moins compétentes.
À travers la préparation physique, on peut aussi manipuler les contraintes individuelles pour offrir à un athlète une meilleure capacité d’action*, changeant ainsi sa perception du monde extérieur et lui permettant potentiellement d’étoffer son champ de possibilités.
*Les capacités d’action désignent les aptitudes physiques et psychologique qui influencent le champ des possibles pour une tâche donnée.
Consignes
On distingue 2 grands genres de consignes :
– Celles avec un focus interne, où l’attention est dirigée vers le corps (en termes de position ou de mouvement). Par exemple, pour le tir au basket-ball : ‘’lever son coude’’, ‘’pointer le coude vers le panier’’, ‘’utiliser ses jambes’’, se concentrer sur le placement de ses mains sur la balle ou sur l’action du poignet à la fin du mouvement…
– Celles avec un focus externe, où l’attention est dirigée vers l’extérieur du corps (en indiquant souvent l’effet du corps sur l’environnement externe). Par exemple : ‘’lever la balle haut avant de tirer’’, se concentrer sur la trajectoire de la balle ou sur l’arceau…
Aujourd’hui, les données scientifiques sont formelles : de très nombreuses études montrent qu’un focus externe aboutit à des performances supérieures, un meilleur apprentissage, avec un entraînement qui se transfère mieux.
En se focalisant sur des informations présentes dans l’environnement externe, on oriente l’attention vers l’extérieur, ce qui améliore probablement la prise d’information. L’utilisation de contrainte facilite aussi l’adoption d’un focus externe lorsqu’on réalise une tâche.
De l’autre côté, le focus interne trouble l’auto-organisation : on se concentre sur l’action des parties corporelles indiquées par les consignes données, au lieu de les laisser se coordonner avec le reste du corps, menant à une activité musculaire perturbée.
Même des athlètes très compétents rencontrent de grandes difficultés lorsqu’il s’agit de suivre des instructions détaillées concernant la manière dont ils devrait changer leur technique. Dans les cas assez rares où des consignes explicites semblent fonctionner à l’entraînement, celles-ci se transfèrent néanmoins très mal aux situations de compétition, l’athlète revenant très régulièrement à sa technique de base – surtout dans les moments où la pression est grande.
Dans son ouvrage Learning to Optimize Movement, Rob Gray propose 4 conseils concernant l’utilisation de consigne :
1. La dernière consigne ou instruction donnée devrait comprendre un focus externe (que ce soit quelque chose présent physiquement dans l’environnement externe ou une analogie**), afin de favoriser la prise d’information et l’auto-organisation.
2. Il n’y a pas de problème à utiliser des consignes internes lorsqu’on cherche à explorer les solutions de mouvement et essayer différentes choses, comme avec l’apprentissage différentiel par exemple ; cela peut même s’avérer utile. Cependant, la dernière consigne donnée devrait toujours être externe.
3. Il faudrait essayer de trouver une version externe aux consignes internes que l’on a l’habitude d’utiliser, que ce soit sous forme d’instruction précise ou d’analogie.
4. On doit laisser l’athlète participer au processus, afin qu’il puisse trouver la consigne qui lui convient personnellement (sans que celle-ci ne soit forcément très spécifique ou qu’elle ne décrive le mouvement avec précision).
Par exemple, on peut utiliser des contraintes pour orienter l’athlète vers certaines solutions, le laisser expliquer comment il ressent le mouvement, puis utiliser ses propres mots par la suite. Selon la recherche, les consignes holistiques (décrivant le mouvement dans sa globalité) sont particulièrement intéressantes.
**Les analogies sont utiles pour transmettre les éléments-clés d’un mouvement sans chercher à donner une solution exacte au problème, en faisant en sorte que l’athlète se concentre sur le mouvement de son corps sans l’évoquer directement (évitant ainsi les soucis liés au focus interne). Elles constituent une contrainte de tâche laissant libre cours à l’auto-organisation et à la variabilité.
Performer sous pression
Il n’est pas rare d’observer chez certains athlètes une dégradation des performances dans les situations où la pression est élevée. La raison la plus répandue pour expliquer ce phénomène est un changement d’attention pour la diriger vers le corps, en passant d’un focus externe à un focus interne.
Lorsqu’il y a un grand enjeu, le cerveau a tendance à vouloir contrôler les actions du corps afin de s’assurer que tout soit fait correctement, ce qui peut impacter négativement le contrôle du mouvement.
Toutefois, on peut apprendre à ‘’combattre’’ cette tendance – et ainsi optimiser les performances sous pression – en intégrant des processus d’auto-régulation à l’entraînement (c’est-à-dire en évitant de donner plein de consignes tout le temps) et en s’exposant à des situations où on a de la pression et dans lesquelles on effectue un effort volontaire de concentration sur l’environnement externe.
Ainsi, proposer à un athlète des exercices comportant un certain niveau d’anxiété à l’entraînement peut l’aider à mieux gérer le stress en compétition, en plus d’obtenir potentiellement des entraînements de plus grande qualité (en induisant implicitement une meilleure concentration). Les émotions forment une contrainte individuelle impactant les solutions de mouvement.
Il faut s’attendre à des résultats moins bons qu’à l’accoutumée dans ce type d’exercice, ce qui n’est pas un problème car l’objectif est d’apprendre à mieux contrôler ses émotions en vue de performances futures. Néanmoins, chaque exercice ne devrait pas comporter de l’anxiété, car cela peut éreinter mentalement et diminuer la capacité à performer dans les conditions où il y a moins de stress.
On dispose de plusieurs moyens pour amener de la pression à l’entraînement :
- En manipulant les demandes de l’entraînement (la tâche à réaliser et les stresseurs environnementaux)
- En manipulant les conséquences de l’entraînement (récompense, sanction, jugement, évaluation…)
- En utilisant des vignettes, c’est-à-dire en décrivant une situation dans laquelle il y a de la pression
- En modulant l’intensité de jeu, c’est-à-dire en réduisant l’espace ou les distances de jeu afin de mettre l’accent sur les contraintes temporelles
Rob Gray donne également plusieurs principes pour l’ajout de pression à l’entraînement :
– On n’a pas besoin d’être spécifique, il n’est pas nécessaire que la pression soit pareille qu’en compétition
– Elle n’a pas non plus obligatoirement besoin d’être liée directement à la tâche sportive, on peut juste faire en sorte que l’athlète fasse quelque chose de stressant avant l’entraînement
– Il ne faut pas terminer sur un échec ou n’avoir que des échecs dans les exercices, on doit ajuster les conditions pour que l’athlète rencontre un peu de réussite (tout en indiquant que des résultats moins bons que d’ordinaires ne sont pas problématiques)
– Manipuler les conséquences de l’entraînement (avec des récompenses et des gages) semble plus efficace que de manipuler les demandes afin de créer de la pression
Système visuel
L’acuité visuelle correspond plus ou moins à la capacité à voir les détails d’une image. Son importance a tendance à être surévaluée dans le monde sportif, les données scientifiques indiquant que les athlètes semblent utiliser principalement leur vision périphérique, dont l’acuité est très mauvaise.
La plupart des informations servant à contrôler les actions sportives ne nécessitent pas une haute résolution, les détails sont inutiles. Il faut tout de même orienter le regard vers les lieux où se situent les informations pertinentes dans l’environnement afin d’obtenir le plus d’informations utiles possible pour contrôler ses actions.
Essayer de faire adopter à des novices le comportement du regard spécifique à des experts dans une tâche où il faut scanner l’environnement ne sert à rien, cela ne fonctionne pas. Néanmoins, juste entraîner des novices à garder leurs yeux aussi fixes que possible (quiet eye training) peut s’avérer efficace.
Pouvoir contrôler son regard est essentiel car on dispose généralement de très peu de temps en situation sportive, les actions s’enchaînent très vite. Une incapacité à capter des informations rapidement et efficacement affecte les performances.
Il est possible de développer cette qualité à l’entraînement en accentuant les contraintes temporelles, dans l’optique d’aider l’athlète à devenir plus efficient avec ses yeux (en auto-organisant mieux et plus rapidement le contrôle de son regard).
Notion de challenge
L’efficacité de méthodes comme l’apprentissage différentiel et l’approche avec contrainte dépend grandement de la réponse de l’athlète face au challenge ainsi que de sa volonté à accepter les échecs. Les exercices proposés (et leur difficulté) doivent prendre en compte ces critères. L’athlète doit aussi intégrer que l’entraînement est fait pour être performant plus tard, en compétition, et non pour tout réussir sur le moment.
On différencie 2 sortes de difficulté :
– Difficulté nominale : exigences de la tâche en elle-même, peu importe la personne qui la réalise et les conditions dans lesquelles elle est réalisée
– Difficulté fonctionnelle : degré de challenge de la tâche par rapport au niveau de la personne et des conditions dans lesquelles elle est réalisée
Ces 2 formes sont à prendre en considération lors de la conception d’un exercice. Plus le niveau de compétence est bas, moins la tâche nominale doit être compliquée (en termes de vitesse, de distance et de variabilité). Cela peut notamment exiger, pour des enfants, d’adapter le matériel et les conditions de jeu.
Si la difficulté fonctionnelle est faible, la performance sera bonne mais l’apprentissage sera maigre : si on réussit tout, on n’a pas de raison de changer quoi que ce soit et on perd rapidement de l’intérêt. Si cette difficulté est trop élevée, la performance et l’apprentissage seront nuls, étant donné que l’athlète aura du mal à identifier ce qu’il doit faire pour améliorer ses résultats.
Entre les 2 se trouve le point de challenge optimal, avec le meilleur apprentissage possible, situé à un niveau différent pour chaque athlète.
Rencontrer des difficultés à l’entraînement favorise l’apprentissage et le progrès au fil du temps, même si l’on préfère les activités dans lesquelles on a le plus de réussite. Toutefois, on ne veut pas que la difficulté soit arbitraire : les échecs doivent orienter vers une meilleure solution de mouvement.
Les conditions doivent aussi autoriser une certaine réussite pour que le processus ne devienne pas démotivant et ne provoque pas une diminution du sentiment de compétence (pouvant affecter les efforts réalisés à l’entraînement).
Lorsqu’un athlète est prêt à être challengé et qu’on lui propose une tâche se trouvant juste au-delà de ses capacités actuelles, c’est-à-dire qu’il ne peut réussir qu’en se donnant à fond, cela stimule son attention, sa concentration et son engagement dans la tâche. L’objectif d’utiliser des exercices difficiles n’est pas uniquement d’améliorer la réussite dans des conditions difficiles, on cherche aussi à rendre les autres situations plus ‘’faciles’’.
Aspect mental
La confiance est une condition sine qua none d’un tir efficace. Le développement d’un tel sentiment émane de plusieurs principes :
– Entraîner son tir dans une multitude de conditions, afin de mieux le ‘’contrôler’’
– Laisser le corps s’auto-organiser lors de la tâche sans penser à plein de consignes différentes et sans trop réfléchir au geste ; mieux vaut adopter un focus holistique (en portant son attention sur la fluidité et l’aisance du mouvement, ou bien la trajectoire de la balle par exemple)
– Se concentrer sur le côté positif si on réussit un tir, sur le plaisir de marquer, plutôt que de penser au côté négatif si on rate ou à la peur de ‘’mal’’ tirer
– Accepter de rater, et porter plus d’importance aux sensations globales du tir (être à l’aise, réaliser un beau geste) qu’au résultat seul (réussi ou manqué)
Que doit-on apprendre pour améliorer son tir ?
La recherche scientifique apporte des indices supplémentaires sur les composants d’un tir efficace. On observe 4 domaines principaux : la biomécanique du mouvement, les yeux, la pression défensive et le niveau de fatigue.
Biomécanique de mouvement
D’un point de vue biomécanique, la science offre plusieurs constats :
– Plus d’énergie est transférée du torse jusqu’au bras tireur à travers l’articulation de l’épaule dans les conditions à mi-distance que dans les conditions proches du paniers, tandis que les membres inférieurs fournissent un effort plus important dans les conditions de loin (à 3 points) que dans les conditions à mi-distance (probablement dans l’optique de garder un mouvement à peu près ‘’constant’’ du bras) (Nakano & al., 2020).
– Dans les conditions à 2 points, des tireurs performants ont le coude plus haut, placent la balle plus haut, ont plus de flexion d’épaule et du coude lors de la phase préparatoire au mouvement de tir que des tireurs non-performants. Lors de la phase de release (quand la balle quitte les mains), ils atteignent aussi des angles plus élevés lorsque la balle quitte les doigts (angle de release) et lorsqu’elle atteint l’arceau (angle d’entrée).
Dans les conditions à 3 points, des tireurs performants ont le coude plus haut, placent la balle plus haut et ont une flexion de hanche plus faible lors de la phase préparatoire que des tireurs non-performants. Lors de la phase de release, ils ont aussi les talons plus hauts, lâchent la balle plus haut, avec une trajectoire de balle plus élevée (Cabarkapa & al., 2021).
De plus, d’autres études font état d’un angle d’entrée plus haut dans les tirs réussis que les tirs ratés pour les tirs à 3 points (Vencurik & al., 2021), d’une hauteur de release significativement plus grande avec moins d’inclinaison du torse vers l’avant au moment de lâcher la balle (Cabarkapa & al., 2023) ou encore d’un déplacement vertical plus grand lors de la phase de release pour des tireurs performants (Cabarkapa & al., 2023).
– En général, un tir à 3 points implique un coude plus bas, plus de flexion de genou et de hanche, avec un angle de release plus faible et un déplacement vertical augmenté par rapport à un tir à 2 points ou un lancer-franc (Cabarkapa & al., 2022 ; Cabarkapa & al., 2023).
– On note une plus grande efficacité au tir lorsque le bas et le haut du corps sont utilisés en ‘’séquence’’ plutôt que simultanément (Matsunaga & Oshikawa, 2022).
ATTENTION : ce n’est pas parce qu’en moyenne, des tireurs compétents démontrent une certaine particularité que chaque tireur compétent possède cette même particularité par rapport à tous les tireurs moins compétents. Par exemple, ce n’est pas parce qu’en moyenne, les tireurs compétents montent la balle plus haut avant de la lâcher, que tous les tireurs moins compétents sont forcément obligés de monter plus leur balle pour augmenter leur réussite.
La meilleur approche est de tester individuellement, avec une consigne telle que ‘’penser à monter la balle haut avant de tirer’’ ou ‘’penser à monter la balle plus haut que d’habitude’’, et d’observer si l’efficacité du tir augmente ou non.
Regard
Comme mentionné plus tôt, le regard est critique. Des tireurs de niveau expert commencent à fixer l’arceau plus tôt, le fixent au total plus longtemps, avec un œil plus ‘’calme’’ (c’est-à-dire moins sensibles aux distractions extérieures) que des tireurs de moins bon niveau (Giancamilli & al., 2022 ; Rui & al., 2023).
Apprendre simplement à mieux contrôler son regard sur l’arceau est plus efficace qu’avoir un entraînement technique précis au tir quand il s’agit de personnes ayant un niveau débutant ou intermédiaire (Vickers & al., 2017).
Des travaux de 2017 sur l’analyse de plus d’1 million de tir (R. Marty & S. Lucey) ont montré qu’il était préférable de cibler l’arrière de l’arceau (la partie en face de soi) plutôt que le milieu (swish) ou l’avant pour optimiser la probabilité que le ballon entre dans le panier (question d’angle) – il est donc possible de concentrer son regard sur l’arrière de l’arceau (la partie en face de soi) lorsque l’on tire
Le fait de s’entraîner juste avec une cible visuelle, sans consigne supplémentaire, permet d’améliorer la précision au tir (Gou & al., 2022), même si cela demande un peu de temps (dans l’étude, 90 minutes par semaine pendant 5 semaines n’ont pas suffi à obtenir des gains significatifs, qui étaient toutefois présents au bout de 9 semaines).
Il faut ensuite apprendre à conserver ce contrôle optimal dans des situations de pression défensive (Van Maarseveen & Oudejans, 2018) et de pression mentale (Giancamilli & al., 2022) pour être capable de rester efficace en conditions de compétition. Lorsqu’on est sous pression, il est important de ne pas se ‘’précipiter’’ et de garder des fixations longues sur l’arceau (notamment aux lancer-francs).
Pression défensive
Les études rapportent des changements dans l’exécution du tir lorsqu’un défenseur est présent pour gêner le mouvement, ce qui diminue la précision par rapport aux conditions sans pression défensive (Van Maarseveen & Oudejans, 2018 ; França & al., 2021 ; Kambic & al., 2022).
La présence d’un défenseur contestant les tirs constitue ainsi une contrainte pertinente à ajouter aux exercices d’entraînement, si on souhaite pouvoir améliorer les performances en situations compétitives (avec, dans l’idéal, un défenseur un peu plus grand que la personne qui tire). Cela fait sens : les tirs sont très souvent contestés en match, et pour mieux performer à ce moment-là, il faut s’entraîner dans des conditions similaires.
En général, le niveau de réussite à l’entraînement ne reflète pas forcément le niveau de compétence en compétition (Porter & al., 2020), d’où l’intérêt d’intégrer des contraintes représentatives des conditions de compétition (défense, pression temporelle, anxiété mentale…).
Niveau de fatigue
La fréquence cardiaque, lorsqu’elle dépasse 80% de sa valeur maximale, est liée à une diminution de la précision aux tirs (Padulo & al., 2018 ; Ardigo & al., 2018), s’expliquant probablement entre autres par une baisse de l’efficience des muscles oculaires (Zwierko & al., 2018). La fatigue mentale entraîne des résultats similaires (Daub & al., 2023).
On peut tirer plusieurs conclusions de ces observations :
– En situation de compétition, pour performer au mieux, il est nécessaire de maximiser les temps de repos et d’éviter de réaliser des tâches exigeantes cognitivement qui ne sont pas liées à l’activité.
– Pendant l’entraînement, on doit proposer à l’athlète des exercices de tir en condition de fatigue – aussi bien physique que mentale –, afin d’améliorer la précision en situations de compétition (Marcolin & al., 2018). On peut notamment mettre l’accent sur le contrôle du regard dans ce genre d’exercice.
– À travers la préparation physique, le développement des capacités cardiovasculaires et cardio-respiratoires peut avoir un impact direct sur les performances techniques.
Autres informations
Enfin, la recherche met également en lumière d’autres paramètres :
– S’entraîner à viser une cible plus petite (en réduisant la taille de l’arceau ou en tirant sur le côté de la planche) peut améliorer la précision au tir, à travers des changements biomécaniques utiles (angle de release, vitesse et hauteur de la balle, angle de l’épaule…) (Khlifa & al., 2013).
– Il n’existe pas de relation significative entre les capacités maximales de force et la performance au tir, que ce soit pour les hommes ou pour les femmes (Cabarkapa & al., 2022), mais les aptitudes de saut, de lancer et d’endurance anaérobie (liée à la fatigue) influencent positivement la compétence de tir à longue distance (Pojskic & al., 2018).
– Plus on s’éloigne du panier, moins on est précis (logique), donc il faut s’entraîner à tirer depuis les mêmes distances qu’en compétition (Van Maarseveen & Oudejans, 2018).
– La durée de sommeil avant et après un entraînement impacte la qualité de rétention des aptitudes de tir (Miyaguchi & al., 2022).
– En NBA, l’efficacité offensive est plus grande dans les possessions comportant une feinte de tir, qui sont très souvent avantageuses pour l’attaquant (Meyer & al., 2022). Les feintes de tir représentent donc un outil efficace, qu’il faut intégrer à l’entraînement.
LE CAS DES LANCER-FRANCS Pour ce qui est des lancer-francs : – On constate une meilleure précision au tir et une moindre dépense énergétique (donc une plus grande efficience de mouvement) avec un focus externe (Zachry & al., 2005). – En raison des caractéristiques de la tâche, on remarque des fixations du regard qui sont plus longues et plus fréquentes par rapport aux tirs en conditions dynamiques (jump shot) (Zwierko & al., 2018). – Des tireurs de lancer-franc performants ont un mouvement plus contrôlé (en bougeant leurs genoux et leur centre de masse plus lentement), une hauteur de release plus élevée et moins d’inclinaison du torse vers l’avant en comparaison à des tireurs moins compétents(Cabarkapa & al., 2023) . Il faut cependant faire attention à ne pas trop mettre l’accent sur la hauteur de release au risque de diminuer la réussite aux lancer-francs, même si c’est parfois bénéfique en termes de précision – encore une fois, mieux vaut tester individuellement pour savoir si une personne a besoin de se concentrer sur le fait de lever sa balle ou non. – Plusieurs outils aident à lutter contre la pression en compétition : la respiration (nasale et calme), le fait de sourire ou de penser à un souvenir positif (entraînant la libération de neuromédiateurs ‘’apaisants’’ dans le cerveau), ou encore la visualisation d’un lancer-franc marqué avant de tirer (pour se donner de la confiance) |
Exemples d’exercices
Voici quelques idées pour vous :
– Pour s’entraîner à avoir un mouvement fluide & efficient :
- Tirer vite (en commençant d’abord avec plus de vitesse que d’ordinaire, puis en cherchant à tirer le plus vite possible – ou du moins à lever la balle le plus vite possible)
- Tirer en l’air, le plus haut possible, sans chercher à marquer de panier (possible d’alterner entre 1 tir en l’air le plus haut possible et 1 tir normal où l’on cherche à marquer)
- Faire le mouvement de tir sans ballon, le plus vite possible
- Tirer de loin
– Pour entraîner la capacité à s’équilibrer rapidement dans des conditions variées puis à tirer, afin d’avoir plus de facilité à s’équilibrer en situation compétitive :
- Tirer après différents types de course (course avant à plusieurs vitesses, course arrière, pas latéraux, course courbée, course avec plusieurs changements de direction…)
- Tirer avec différents types d’appuis (en variant la position de chaque pied et/ou leur orientation, avec des appuis simultanés ou avec un rythme 1-2, à divers angles…)
- Tirer après avoir réalisé un saut (vertical, latéral ou horizontal)
- Tirer après avoir réalisé un spin move ou juste après un saut en ayant fait un tour sur soi-même
– Pour challenger la capacité de tir en elle-même :
- Tirer directement après différents dribbles ou combos de dribbles
- Tirer en changeant à chaque répétition de spot, en variant les distances et en utilisant la planche sur certains tirs (de manière aléatoire)
- Tirer avec différents ballons (qui varient en termes de marque, de taille, de poids, de niveau de gonflage…)
- Tirer en commençant avec la balle dans différentes positions (en changeant la hauteur et la latéralité)
- Tirer après une mauvaise passe (volontaire à chaque répétition)
- Tirer avec une cible réduite (en ayant un pied sur la ligne de fond ou en tirant sur le côté de la planche tout en cherchant à ce que le ballon revienne sur soi après le tir)
- Tirer en commençant de côté ou dos au panier, en effectuant un saut latéral où l’on cherche à aller le plus loin possible…
– Pour reproduire des conditions représentatives de la compétition :
- Tirer avec un défenseur présent devant soi, qui lève juste les bras
- Tirer avec un défenseur qui effectue un close-out
- Tirer après avoir fait un effort physique ou mental fatigant
- Tirer en ayant de l’enjeu (récompense ou gage)
- Exercice de 1v1 dans lequel l’attaquant a un nombre de dribble ou un temps limité en interdisant les finitions au panier
En reprenant les concepts abordés tout au long de cet article, on peut favoriser certains comportements dans la réalisation des exercices :
– Tirer avec des contraintes diverses et variées sans penser à des consignes particulières, en se concentrant juste sur les sensations du geste (fluidité, aisance, trajectoire…) tout en essayant de ne pas dépenser beaucoup d’énergie
– Essayer de regarder l’avant de l’arceau tôt dans le mouvement et continuer à le fixer malgré les distractions visuelles extérieures
– Laisser le résultat du tir corriger la gestuelle sans trop y réfléchir consciemment, laisser le corps s’ajuster naturellement
Au final, une ‘’bonne’’ capacité de tir peut être définie comme la capacité à rester efficace dans un grand éventail de conditions, avec des contraintes variées, en réussissant à ne pas être perturbé par les distractions et les stimulations présentes dans l’environnement externe et interne.
Références
- How we Learn to Move, Rob Gray (2021)
- Learning to Optimize Movement, Rob Gray (2022)
- »How can ten fingers shape a pot ? », Gandon & al., 2013
- »Identifying individual movement styles in high performance sports by means of self-organizing Kohonen maps », Schollhorn & Bauer, 1998
- »Individual profiles of spatio-temporal coordination in high intensity swimming », Figueiredo & al., 2012
- »Can individual movement characteristics across different throwing disciplines be identified in high-performance decathletes ? », Horst & al., 2020
- »Motor and Gaze Behaviors of Youth Basketball Players Taking Contested and Uncontested Jump Shots », Van Maarseveen & Oudejans, 2018
- »The Jump Shot Performance in Youth Basketball: A Systematic Review », França & al., 2021
- »Biomechanical Adjustments of the Basketball Jump Shot Performed Over Differently High Opponents », Kambic & al., 2022
- »Learner-adapted practice promotes skill transfer in unskilled adults learning the basketball set shot », Porter & al., 2020
- »High-Pressure Game Conditions Affect Quiet Eye Depending on the Player’s Expertise: Evidence from the Basketball Three-Point Shot », Giancamilli & al., 2022
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- »Quiet eye training improves accuracy in basketball field goal shooting », Vickers & al., 2017
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- »Kinematic Analysis of 2-Point and 3-Point Jump Shot of Elite Young Male and Female Basketball Players », Vencurik & al., 2021
- »Kinetic and Kinematic Characteristics of Proficient and Non-Proficient 2-Point and 3-Point Basketball Shooters », Cabarkapa & al., 2021
- »Impact of Distance and Proficiency on Shooting Kinematics in Professional Male Basketball Players », Cabarkapa & al., 2022
- »The Effect of Heart Rate on Jump-Shot Accuracy of Adolescent Basketball Players », Padulo & al., 2018
- »Effect of Heart rate on Basketball Three-Point Shot Accuracy, » Ardigo & al., 2018
- »Visual control in basketball shooting under exertion conditions », Zwierko & al., 2018
- »Impacts of mental fatigue and sport specific film sessions on basketball shooting tasks », Daub & al., 2023
- »Different intensities of basketball drills affect jump shot accuracy of expert and junior players », Marcolin & al., 2018
- »Muscle synergy during free throw shooting in basketball is different between scored and missed shots, Matsunaga & Oshikawa », 2022
- »Effects of a shoot training programme with a reduced hoop diameter rim on free-throw performance and kinematics in young basketball players », Khlifa & al., 2013
- »Relationship between Upper and Lower Body Strength and Basketball Shooting Performance », Cabarkapa & al., 2022
- »Increased movement accuracy and reduced EMG activity as the result of adopting an external focus of attention », Zachry & al., 2005
- »Association Between Conditioning Capacities and Shooting Performance in Professional Basketball Players: An Analysis of Stationary and Dynamic Shooting Skills », Pojskic & al., 2018
- »Sleep affects the motor memory of basketball shooting skills in young amateurs », Miyaguchi & al., 2022
- »Shot fakes as an indicator of successful offense in basketball », Meyer & al., 2022
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