Glace et froid : vraiment essentiel quand on se blesse ?

Que vous fassiez du sport de manière occasionnelle ou de façon intensive, il y a de fortes probabilités pour qu’à un moment donné, dans votre vie, vous ayez connu une douleur ou une blessure. Foulure, entorse, élongation ou encore fatigue de surcharge, on peut rencontrer divers obstacles à son bien-être physique si l’on est trop imprudent.

Face à cela, une attitude réflexe que vous avez sûrement eu vous-même ou via les conseils d’un proche a été d’appliquer du froid (de la glace) sur le lieu de la douleur. En soi, ce n’est pas étonnant, car c’est aussi le genre de comportement que l’on peut voir à la télé, dans les meilleurs clubs sportifs, lorsqu’un athlète se blesse. Les effets recherchés à travers cela sont simples : une diminution de la douleur et de l’inflammation locale.

Et pourtant, si on se penche sur les données scientifiques les plus récentes, l’utilisation de froid n’est pas l’option la plus intéressante dans de nombreux contextes. Parfois, elle peut même se révéler contre-productive. Cet article a pour but d’éclairer un peu plus le sujet.  

Différents protocoles au fil des ans

Pour comprendre l’utilisation de la glace et du froid lorsqu’on se blesse, il faut revenir plusieurs décennies en arrière : en 1978, le protocole RICE (Rest, Ice, Compression & Elevation) fait son apparition. En se basant dessus, il y a 4 aspects essentiels lorsqu’on se blesse : le repos, l’application de froid/glace, la compression et l’élévation du membre touché. Puis, au début des années 1990, l’élément de protection a été ajouté pour donner l’acronyme PRICE (Protection, Rest, Ice, Compression & Elevation).

Dans un premier temps, la thérapie par le froid paraissait indispensable pour diminuer la réaction inflammatoire face au traumatisme subi, réduire l’œdème, réduire la formation d’hématome et la douleur, réduire les spasmes musculaires, diminuer le métabolisme tissulaire et réduire l’activité enzymatique au niveau de la zone atteinte.

Ensuite, au milieu des années 2000, en réponse aux avancées scientifiques de l’époque, le protocole PRICE a été remplacé par POLICE (protection, optimal loading, ice, compression & elevation pour protection, chargement optimal, froid/glace, compression & élévation). L’idée de mobiliser la zone blessée a été rajoutée car les chercheurs se sont rendu compte qu’une période de repos trop longue retardait la récupération d’une fonction normale dans la zone touchée.

Enfin, le protocole PEACE & LOVE (protection, elevation, avoid anti-inflammatory drugs, compression, and education & load, optimism, vascularization, and exercise) naît en 2019, et correspond à la façon optimale de traiter une blessure selon les données scientifiques les plus récentes.

Pour aller un peu plus dans les détails :

PROTECTION = décharger ou restreindre le mouvement dans la zone atteinte pendant 1 à 3 jours. Cela peut nécessiter des béquilles pour une blessure à la jambe, ou une écharpe pour le bras. L’objectif est d’éviter d’endommager encore plus ou d’aggraver la blessure.

ÉLÉVATION = surélever la zone blessée au-dessus du niveau du cœur pour réduire le gonflement.

ÉVITER LES ANTI-INFLAMMATOIRES = au début de la blessure, les anti-inflammatoires peuvent inhiber la réparation tissulaire. De simples antalgiques comme le paracétamol pour être utilisés contre la douleur.

COMPRESSION = une compression mécanique externe comme avec un appareil orthopédique ou un bandage peut réduire le gonflement local et empêcher qu’il n’y ait encore plus de saignement dans les tissus blessés.

ÉDUCATION = parler avec un professionnel de santé de la blessure et obtenir une guideline pour la récupération ainsi qu’un plan de thérapie. Mettre en place des objectifs et des attentes sur la convalescence. Comprendre qu’une restriction de charge sur la zone blessée n’est qu’une mesure protectrice pour les 2-3 premiers jours. 

CHARGER = une approche active, avec du mouvement et des exercices, bénéficie à la plupart des blessures. Charger ou ‘’stresser’’ l’articulation ou le muscle – c’est-à-dire le faire travailler – en respectant et en ne dépassant pas le seuil de douleur (infra-douloureux) au départ permet de favoriser la guérison et stimule la réparation des tissus.

OPTIMISME = la science montre qu’une dépression et qu’une peur liée à la blessure et à la récupération peuvent aboutir à de moins bons résultats ainsi qu’à des prévisions moins favorables. Rester réaliste et positif est important car le cerveau joue un rôle clé dans la récupération.

VASCULARISATION = chercher à améliorer l’afflux sanguin dans la zone, car un meilleur flux sanguin signifie plus d’oxygènes et de nutriments, assurant une bonne guérison des tissus. Bouger et faire travailler l’articulation ou le muscle avec de l’exercice permet d’augmenter le flux sanguin allant vers la zone blessée.

EXERCICE = de l’exercice contrôlée, dans des limites de douleur, est important au début de la récupération. Restaurer la mobilité et construire de la force permet d’accélérer la récupération et de limiter le risque de se re-blesser au même endroit.

Quid du froid ?

Aujourd’hui, on dispose de plusieurs informations qui devraient nous rendre vigilants vis-à-vis d’un recours systématique au froid et à la glace lorsqu’on se blesse :

– Le froid agit comme un vasoconstricteur (c’est-à-dire qu’il ralentit la circulation du sang), ce qui gêne le transport de certains éléments dont les macrophages, qui ont pour rôle d’éliminer les tissus endommagés en cas de blessure (afin de les remplacer par la suite par des cellules en bonne santé).

– Une utilisation trop longue peut réduire le flux sanguin autour de la zone d’application (retardant le processus de guérison), causer des dégâts supplémentaires (au niveau des tissus et des nerfs dans des cas extrêmes) et impacter négativement la fonction neuromusculaire (moins de force et de mobilité).

– L’intérêt de la thérapie se trouve surtout dans les cas de blessure sévère – notamment les entorses – impliquant un gonflement important, car le phénomène de gonflement lui-même peut constituer le facteur limitant de la guérison et du rétablissement. En effet, un œdème excessif peut placer de la pression sur les tissus, restreindre le mouvement, exacerber la douleur ou encore diminuer la fonction musculaire.

Les 2 premiers facteurs induisent une moins bonne circulation du sang, et donc une moindre arrivée d’oxygène au niveau du site endommagé. L’objectif de la glace devient alors de limiter le gonflement, pas de l’empêcher totalement, car il est inhérent au processus inflammatoire.

À l’inverse, dans les cas de lésion musculaire, où l’œdème est relativement faible, le froid et le glace ne sont pas vraiment utiles et peuvent même être contreproductifs.

– En cas de douleur importante, la glace peut aussi servir à diminuer les sensations de façon subjective et à court terme. Mais il faut garder en tête que tout ce qui réduit l’inflammation retarde aussi la guérison (en ralentissant le processus inflammatoire).

Entraîner pour récupérer

À côté, si l’on souhaite pouvoir retrouver toutes ses capacités rapidement, l’activité et la mobilisation de l’articulation ou du muscle endommagé semblent cruciales. En effet, un chargement mécanique adéquat favorise la régénération cellulaire, limite le gonflement, réduit la raideur articulaire et prévient l’atrophie des muscles.

Lorsqu’on se blesse, il faudrait alors essayer de remobiliser la zone atteinte le plus tôt possible de façon sécuritaire, c’est-à-dire sans trop ‘’surcharger’’ la blessure et en s’assurant de ne pas exacerber la douleur (cette dernière devrait toujours diminuer progressivement au fil du temps).

Même après une séance d’entraînement (que ce soit la pratique d’un sport ou de la musculation), le froid n’est pas forcément la meilleure option : à l’instar des blessures, l’entraînement induit un processus inflammatoire (avec entre autres une augmentation du taux de synthèse de protéines musculaires), que le froid diminue – ce qui peut donc potentiellement limiter les adaptations recherchées au départ.

L’utilisation de froid doit dépendre du contexte. Lorsqu’on veut maximiser les gains liés à l’entraînement, il vaut mieux éviter les outils qui limitent l’inflammation. Si on cherche à performer de façon optimale après un effort relativement intense, alors ce type d’outil devient intéressant.

EXPÉRIENCE PERSONNELLE

Pour ma part, quand il m’arrive de me blesser, j’adopte une attitude proactive très rapidement. Déjà, j’ai la chance de ne pas me faire de ‘’grosse’’ blessure (seulement de petites entorses et des élongations légères). Ensuite, je connais plusieurs techniques de kinésiologie très efficaces pour diminuer les douleurs et éliminer les blocages potentiels au niveau de mon système nerveux – dont certaines techniques que vous pouvez retrouver dans les différents protocoles disponibles à la vente sur le site.
 
Ainsi, lors des rares occasions où il m’arrive quelque chose, je me retrouve souvent à être capable de pouvoir réaliser des exercices à intensité maximale au bout de quelques jours (voire quelques heures).

Dans tous les cas, lorsque vous vous blessez, commencez par demander l’avis d’un professionnel de santé compétent et suivez ce qu’il vous dit. Toutefois, s’il vous conseille systématiquement de mettre de la glace, pendant plusieurs jours, sans vous parler de mobiliser la zone touchée, alors n’hésitez pas à solliciter l’avis d’autres professionnels de santé.

Références

  1. ‘’Is it time to put traditional cold therapy in rehabilitation of soft-tissue injuries out to pasture?’’,  Wang & Ni (2021)
  2. ‘’The cold truth: the role of cryotherapy in the treatment of injury and recovery from exercise’’, Kwiecien & McHugh (2021)
  3. ‘’Postexercise cooling impairs muscle protein synthesis rates in recreational athletes’’, Fuchs & al. (2019)
  4. How to Properly Ice an Injury (2022), site Web verywellhealth.com
  5. To Ice or not to ice an injury? (2020), site Web physio-network.com
  6. The ICE Debate – Is Icing your injury still the right thing to do?  (2020), site Web grandslamphysio.com
  7. Ice should no longer be applied to injuries, and here’s why (2023), site Web rehabhub.co.uk
  8. Why you Shouldn’t Ice an Injury, site Web trainedphysioperth.com.au
  9. PJF Podcast, épisode 26 & 41

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